Il y a des végétaux qui défient les lois de la botanique, repoussent les limites et s'installent dans des endroits où aucune plante ne semblerait pouvoir pousser. En plein désert, terrassés par le soleil et sans une seule goutte d'eau, dans les cratères des volcans, sur un sol brûlant et dans un environnement saturé en souffre, en haute montagne, sous des températures hivernales dignes du cercle polaire et à des altitudes où l'homme à peine à respirer...
Crithmum maritimum fait partie des ces végétaux peu ordinaires (pour ne pas dire 'extraordinaires') mais pour une toute autre raison: celui-ci se plaît particulièrement en bord de mer, à quelques centimètres de l'eau seulement!
On l'appelle également, entre autres, 'Fenouil de mer' ou 'Perce-pierre'. 'Perce-pierre' parce que la plante à coutume de pousser dans les anfractuosités de la roche, à la verticale ou à l'horizontale, à la recherche d'un peu de fraîcheur. Elle semble sortir de nulle part, se nourrir de rien et tout supporter, notamment un sol brûlant en été. 'Fenouil de mer', c'est tout simplement pour son côté comestible. La plante se consomme en effet, de diverses façons, est très nutritive et est également largement utilisée en cosmétique. Vous pouvez d'ailleurs goûter l'une de ses feuilles sans crainte, vous trouverez sous votre palais un légume croquant et particulièrement iodé...
Crithmum maritimum est une pure Méditerranéenne. Sa zone d'endémisme est assez vaste (une grande partie du bassin Méditerranéen), cela ne l'empêche pas pour autant d'être menacée et sa population de se réduire un peu plus chaque année...
Au premier coup d'œil (quand on la voit!), elle a toutes les caractéristiques d'une succulente: des feuilles vertes tirant sur le glauque, que l'on pourrait qualifier de charnues, une capacité d'adaptation au milieu impressionnante (en particulier à la sécheresse ou aux embruns), un port compact et une taille modeste. De ses petites feuilles épaisses sortent chaque année de délicats bouquets de fleurs en ombelles, l'été en général. Celles-ci semblent parfaitement assorties au feuillage allant, selon l'exposition, du blanc crème au vert pâle (à découvrir sur la Toile...)
Mais c'est pour son incroyable résistance au sel que la plante a de quoi décontenancer. Mieux encore: celle-ci, par son adaptation, a fini par avoir besoin d'iode pour se développer! Quand on l'observe dans son milieu naturel il n'est pas difficile de constater que la plupart des pieds est installé à quelques mètres seulement (voir centimètres!) de la mer. Dans ces conditions, il est aisé d'imaginer combien la plante est régulièrement submergée par les vagues d'eau salée que la Méditerranée sait parfois distribuer, surtout en hiver.
C'est pourquoi, quand il s'agira de cultiver la plante loin de son lieu de prédilection, il ne faudra pas hésiter à apporter un peu de sel à son pied, à raison d'une cuiller à café ou deux par année, sans quoi vous risqueriez de la voir déprimer!
Cela paraît complètement hallucinant mais c'est une réalité et, en dehors de ses qualités esthétiques, ce qui me plaît chez elle est cette capacité incroyable de pousser dans un environnement à priori totalement hostile...
Les petites graines de Crithmum maritimum se dispersent facilement et permettent à la plante de s'installer partout où le vent ou une vague auront bien voulu les déposer. De cette façon, c'est évidemment sur les côtes qu'elle est la plus présente.
Même si très rarement, on la trouve cependant parfois en jardinerie, pour peu qu'un pépiniériste un peu fou ait prit le temps de la multiplier... Dans ce cas c'est une énorme surprise! De la voir en pot m'a fait un drôle d'effet, mais le plaisir de me dire que je pourrais enfin me la procurer à été plus fort encore! Je sais maintenant où l'acheter mais attend de lui réserver le meilleur coin de mon jardin Méditerranéen (= hyper exposé, sol sablonneux ou rocailleux) avant de l'installer. Je ne voudrais pas me tromper...
Côté acclimatation et même si Crithmum maritimum pourra largement supporter des gels de courte durée d'environ -5 à -7°c, il va malheureusement falloir se faire une raison pour tous ceux qui n'habitent pas à quelques encablures de la mer car la plante ne pourra pas longtemps se passer de soleil ou de ses embruns quotidiens.
Il vous sera néanmoins agréable, comme je le fais depuis un paquet d'années maintenant, de la contempler in situ. Compte tenu de sa fragilité et même si la plante se bouture aisément au printemps, je vous invite davantage à la contempler qu'à tenter de la multiplier...
Photo ci-dessous: un tout jeune Crithmum maritimum installé dans le creux d'un rocher régulièrement immergé, à 2-3 mètres de la mer, à peine...